mardi 23 octobre 2007

CM 2-3 de rhétorique : JALONS HISTORIQUES

Sur deux cours, mme Denis relève le défit de retracer dans ses grandes lignes l'histoire de la rhétorique, de ses origines antiques à nos jours sorbonnards. Suite aux mouvements de grève, elle a mis en ligne un plan de son cours sur e-cursus.


Dans l'Antiquité, on s'est demandé comment expliquer la naissance de la rhétorique ? C'est un récit des origines de la rhétorique comme têkne --> a vraiment une très longue histoire (même si cela reste une histoire !). Nous sommes en Sicile, au Vème s. avant J-C --> régime de la tyrannie --> 2 tyrans en étaient les chefs. Pendant leur mandat, avaient procédé à des expropriations. MAIS, en -465, les tyrans sont expulsés ! Comment réattribuer les terres ? Il n'y a aucune preuve matérielle de propriété : il n'y a que des témoignages... --> de nombreux procès se sont déroulés entre vrais propriétaire et usurpateurs : le plus persuasif parvenait à l'emporter ! Or, il y avait là un disciple d'Empédocle (un philosophe d'Agrigente) qui s'appelait Corax : celui-ci a vite compris qu'il lui fallait développer des techniques de transmission de savoir pour bien persuader...

Ce récit nous montre que la rhétorique est fille de la philosohie et qu'elle a partie liée avec le droit. Nous montre aussi que recherche le vraisemblable.





L'INVENTION DE LA RHETORIQUE : L'ANTIQUITE GRECQUE ET LATINE




I Athènes : berceau de la rhétorique.
1) Platon face aux sophistes.


Cf. Gorgias et Protagoras (Platon)
¤ A Athènes, rhéto arrivée à cause des échanges avec les colonies au Vème s. --> marche bien car régime démocratique avec des décisions prises en assemblée (ekklesia). De plus, pendant les procès, il n'y a pas d'avocat : on plaide donc soi-même.
¤ La rhéto est enseignée au Vème s. par ceux qu'on appellera les premiers sophistes. Seraient-ils donc détenteur d'une "sophia" ? Ils viennent de l'ensemble du monde grec et on trouve notamment :
-> Protagoras :
ami de Périclès, spécialisé dans la controverse = éristique. Enseigne que, sur tout sujet, on est capable de parler POUR et CONTRE --> c'est bien une technique.
-> Gorgias :
Connu pour avoir inventé la prose d'art (attention, ce n'est pas la poésie grecque... On parle toujours de "travail gorgianique" pour la prose très orénée) + l'éloge paradoxal à travers L'éloge d'Hélène, normalement blâmable et qui nous montre une Hélène à louer. C'est tout de même de la virtuosité.
¤ En face de ces sophistes, il y a des orateurs, not. un super connu : Isocrate (IVème s.). Pour lui, la rhéto doit prendre en charge la moralité. Absolument nécessaire à l'éducation du citoyen. C'est pas forcément le point de vue le plus attractif et, en plus, il y a moins de virtuosité.
¤ Au même moent, il y a un grand philosophe à Athènes, c'est Platon -> fait les reproches les + virulents possibles à la rhéto ! Doivent discuter et avouer qu'absence de vérité dans la rhéto, que ce n'est qu'une pseudo-vérité. Platon va donc diaboliser la rhéto. Place beaucoup son dialogue autour de la question du mensonge : la rhéto ne serait de que la cosmétique !!!
2)La réponse d'Aristote.
Elle passe par un déplacement philosophique : il abandonne l'arrière-plan métaphysique -> système radicalement différent qui va permettre à la rhéto de sortie de l'impasse. En effet, elle n'a rien à dire sur la vérité : se place dans la pragmatique avec légitimé philosophique. On peut l'utiliser bien ou mal ensuite.
Aristote est l'auteur d'une Rhétorique, ouvrage appartenant au vaste système créé par Aristote = l'organon. La Rhétorique n'en est qu'un élément.
On va se trouver dans une possibilité technique. Rhétorique = art de trouver dans chaque cas le persuasif (définition fondamentale !) -> manière de rattacher la rhétorique à l'argumentation.
On doit également à Aristote la différence entre les preuves ainsi que l'examen du déroulement de tout cela.
3) Approfondissement et voies nouvelles.
a) Argumentation juridique.
-> les "états de cause" -> qu'est-ce ? Le camouflage est un début... Est-ce un déguisement ? Se passe entre -IIème s. avt J-C et +IIème s. ap J-C. Grands représentants = Hermagoras et Hermogène.
b) Autres pistes.
Partent sur l'elocutio et la dispositio notamment avec une réflexion sur le meilleur. Représentant = Théophraste qui essaie de définir les différences des styles, avec des points communs mais aussi des différences.
c) La question du sublime.
Cf. pseudo-Longin et son Traité du Sublime.
II Le modèle romain : Cicéron ou l'Orateur.
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Nous ne sommes pas encore, à l'époque, au temps impérial.
Cursus honorum ->on accède aux plus hautes fonctions en étant passé par différentes responsabilités (la + haute étant sénateur).
1) Rhétorique à Herennius.
Contemporain de Cicéron mais c'est pas de lui.
1er répertoire des figures de style notamment.
2) Cicéron.
* L'Orator.
* De oratione.
Cicéron n'est pas un spécialiste de rhétorique (voir la liste de ses oeuvres sur wikipédia) . C'est un homme politique. Pour lui, les meilleurs orateurs sont les philosophes. L'orateur est, pour Cicéron (qui cite Caton) :
"Vir bonus dicendi peritus"
= Homme de bien expert en l'art du discours.
3) Quintilien : une somme pédagogique.
13 volumes en collection Budé !!!
L'institution oratoire (= I.O dans les citations).
C'est longtemps ce texte qui servira de manuel idéal de rhétorique.
III La seconde sophistique ou la rhétorique triomphante.
Toute une nouvelle génération dans la Rome impériale, s'ancrant dans le contexte de la Pax Romana.
Qui sont-ils ? Déjà, de grands serviteurs de l'Etat, des grands profs et aussi... des gens de spectacle ! Puisque se donnent parfois en spectacle. A cette époque, elle ne sert plus effectivement à argumenter démocratiquement.
C'est essentiellement le genre délibératif qui est majoritaire. On a aussi dit que c'était à cette époque que naît la littérature car il y a une réflexion sur la fiction.
IV L'entrée dans le monde chrétien.
Un homme : Saint Augustin d'Hippone. (lire sa biographie sur wikiKto)



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Avant sa conversion, avait reçu une formation rhétorique. Se convertit et la question de Platon revient à lui... A-t-elle un sens une fois la vérité révélée ?
Déjà, pour lui, le christianisme doit attirer les fidèles : il s'agit d'être un "soldat de Dieu" ! Et ça ne se fait pas avec les armes mais avec la parole --> l'orateur chrétient a donc son rôle à jouer --> Cf. De doctrina christiana (livre IV) --> on peut considérer ce livre comme la dernière des rhétoriques antiques et la première des rhétoriques nouvelles qui sont des rhétoriques sacrées. De plus, il y a un lien avec la langue simple des paraboles.
Ccl :
¤ héritage massif.
¤ MS héritage constamment questionné --> absence de rigidité.
¤ On ne va pas parler du Moyen-Age ici ni au chapitre suivant : le M-â s'intéresse peu à la rhéto --> le m-â s'intéresse plutôt à la dialectique. Néanmoins, c'est un manque dans notre parcours...

LA RHETORIQUE A L'EPREUVE DES TEMPS MODERNES



I La Renaissance : une redistribution.
Dès la fin du XIVème s., on se met à chercher manuscrits antiques (l'Italie étant très en avance sur les autres pays) --> c'est capital pour comprendre. Ils redécouvrent des textes qu'on ne lisait plus !!!
XVème s. : le monde est chrétien mais ravagé. En Europe, il y a un vaste mouvement attentif aux frémissements religieux avec la Réforme + la Contre-Réforme.
II Les siècles classiques : présence et contestations.
1) Le modèle jésuite.
L'idée de la Contre-Réforme est bien de ramener âmes tentées par la Réforme --> faut reconquérir les fidèles. Un grand ordre : la Société de Jésus (les jésuites ou s.j) qui va se donner une éducation jésuite : la Ratio Studiorum (1599) harmonisant le programe pour la totalité des collèges jésuites. Ca prévoir une classe de rhétorique de 2 ans vers 15-16 ans. Ceux qui ne deviennent pas jèzes s'arrêtent souvent juste après : grand socle commun de formation.
Les jésuites sont donc les grands pédagogues-passeurs de l'époque ! Y a floraison de manuels à côtéen plus !
2) Rhétorique et civilité : l'école du monde.
Cf. Castiglione Le courtisan (1528)
Réflexion sur l'idéal du courtisan.. Notamment l'actum, le fait d'être poli, d'être gracieux mais sans qu'on voit technique en dessous. Faut savoir s'adapter à l'interlocuteur --> floraison de manuels de savoir-vivre.
En 1630, L'honnête homme ou l'art de plaire à la cour en France --> tout cela descend directement de la rhétorique !!! Sorte de rhétorique mondaine qui alait définir pendant longtemps les règles de politesse.
3) De nouveaux modèles.
¤ Une nouvelle définition del'éloquence se met en place peu à peu.
"La vraie éloquence se moque de l'éloquence" (Pascal)
Pour la comprendre, faut la rattacher à la pensée du sublime (le traité de Longin vient d'être traduit par Boileau), qui est anti-rhétorique.
¤ Du côté de Port-Royal : son enseignement rompt avec la tradition rhétorique et avec les propositions des jésuites. leurs grands théoriciens -Pierre Nicole, Lancelot, Fleury- nous laissent une grammaire et une Logique. Ils pensent que les élèves qui apprennent leur rhétorique par coeur = enseignement sclérosant --> faut se fonder sur la raison ! (la base est donc Descartes). Il y a toute une critique des lieux-communs, assez radicale (ceci étant, ils sont très peu nombreux...). Et on retrouvera ce genre de critiques chez les Encyclopédistes -> ce +, leur réflexion sur le langage sera hantée par la question de l'origine du langage.
¤ Révolution : ont voulu rompre avec tradition aristocratique de la parole éloquente -> parole naturelle du citoyen, c'est l'éloquence de l'homme en actions. Et pourtant... Grands orateurs font preuve de cette culture de la rhétorique !!!
III L'époque contemporaine : de la restauration à l'oubli.
1) 3 étapes.
¤ Contre-Révolution =Restauration -> la rhétorique est son monde ! Donc certaine renaissance là, avec nostalgie de l'Ancien régime.
¤ Se contitue une école républicaine moderne qui, au début, travaille de paire avec l'Eglise pour diffuser uns avoir -> la rhétorique a sa place dans l'enseignement. La 1ère est appelée "rhétorique".
¤ Démantèlement des humanités classiques : parmi es fossoyeurs, Gustave Lanson, complètement positiviste : rhéto peu utile ! Eventuellement un peu d'histoire littéraire parce que dans un contexte, à la manière positiviste.
1902 : la classe de rhéto est débaptisée !
L'écrivain devient désirable -> n'a plus besoin de se justifier -> "L'Art pour l'Art" avec les Parnassiens -> littérature prend alors son autonomie. Nous ne sommes plus dans de "l'utile dulci" !
"Felix qui miscere potuit utile dulci" (Horace)
Donc, changement de cadre.
2) Les raisons d'un discrédit croissant.
On se méfie de cete sorte d'objectivité des formes du discours. Parallèlement, on assiste à la substitution du support imprimé à l'oral.
Cette période coïncide avec une méfiance de + en + grande face aux langues anciennes. On accuse la culture que donnent les langues anciennes -> culture trop axée sur l'imitation ? C'est vrai que rhéto servait à reproduire les exercices antiques...
Cf. La IIIème république des Lettres d'A. COMPAGNON.
L'objet des textes va être l'analyse : apparition des comentaires littéraires (ô joie !) --> Lanson pense cela à partir d'une leçon de choses. L'arrière-plan va être :
- de ne plus vouloir d'une culture élitiste -> culture humaniste mauvaise.
- on passe à la laïcité -> les jèzes seraient les grands ennemis, qui auraient dégradé l'humanité.
Lanson est parfois pris en flagrant délit de mauvaise foi : il utilise l'arsenal rhétorique mais plus pour produire, pour analyser. De plus, il a des détracteurs, notamment Brunetière - > pour lui, prose et littérature sont oratoires
Mais c'est Lanson qui a gain de cause. En 1968, Barthes a fait un cours sur la rhéto ancienne au Collège de France -> de ses recherches et de ses cours, tire un long article de 50 pages "La rhétorique ancienne : aide-mémoire", c'est tout dire... Il a l'impression de redécouvrir et de réinventer !!!
IV Une nouvelle actualité ?
1) Quelques précurseurs.
Certains ont vite compris l'intérêt de la rhétorique.
¤ Paul VALERY : a lui aussi occupé une chaire au Collège de France -> la chaire de poétique. Il y entretient la rhétorique.
¤ Nietzsche : Là, c'est le point de vue philosophique qui l'intéresse -> les sophistes notamment. Y a pas un "en soi" de la vérité.
"Les vérités sont des illusions dont on a oulié qu'elles le sont, des métaphores qui ont perdu leur force sensible."
¤ PAULHAN : dans les Fleurs de Tarbes -> éloge des fleurs de la rhéot, avec not... un éloge des lieux communs. Or, appartient à la NRF, donc est à l'avant-garde. Il a appelé tout cela "la Terreur littéraire".
2) Une renaissance ?
Simple fait que ce cours existe est une preuve que oui, ainsi que dans d'autres universités.
Prestige de la rhéto est de retour ainsi que son opérativité. Elle s'est dégagée un nouvel espace de fonctionnement. Mais quoi ?
- 1ère condition : suspicion très vive à l'égard d'une pseudo-objectivité... qui n'est pas possible !
- 2ème condition : renoncement à subjectivité absolue, que ce soit dans les revues, les expérimentations. On ne peut plus croire que l'individu est maître de son dire. 2 influences là-dedans : l'idéologie marxiste (avec le conditionnement) et la psychanalyse ( nous sommes un sujet qui s'échappe à soi-même).
- 3ème condition : déplacement du modèle de la communication. Y a une force dans l'irrationnel du discours -> cf. la propagande -> pour la combattre, va falloir comprendre son fonctionnement puis combattre sur son terrain.
Oui, une renaissance mais ce n'est pas une reconduction à l'identique -> elle ne peut plus être enseignée comme à l'école des rhéteurs. On est passé d'une réflexion sur la rhétorique à une réflexion sur la rhétoricité.
Fin

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